Pat Mills, Joe Colquhoun, La Grande Guerre de Charlie. La Bataille de la Somme-1,
Editions Delirium,
2011.
Charlie est un jeune Britannique, un peu naïf, pas très
intelligent. Amoureux de chevaux, il vit de petits boulots. En 1916, Charlie n’a
que seize ans. C’est à ce moment qu’il apprend que l’armée britannique recrute
des hommes car une grande offensive est prévue pour battre définitivement les
Allemands. Sans hésitation, il ment sur son âge pour intégrer les troupes
britanniques qui vont aller combattre en France, sur la Somme.
Car c’est bien de cet épisode dont il est question dans ce
premier tome de la longue série consacrée à l’itinéraire de Charlie dans sa
Grande Guerre. Au fil d’époustouflantes planches en noir et blanc réalisées par
Joe Colquhoun, on peut suivre les péripéties de Charlie et de ses compagnons :
les assauts meurtriers, les tentatives de captures de prisonniers, leur
égarement dans les tranchées ennemies, les gaz, les tirs amis…A chaque fois,
par des concours de circonstance aussi incroyables qu’hasardeux, le héros s’en
sort in extremis.
Il ne s’agit pourtant pas pour Pat Mills, scénariste de la
série, de faire de ces soldats des super héros, ni de la série, une suite de BD
de propagande incitant à la guerre comme il a pu en exister, même pendant que
les combats faisaient rage. Car à Charlie et à ses compagnons, il fait subir
les souffrances les plus extrêmes qu’ont pu connaître les soldats dans les
tranchées : le désespoir et l’insupportable vie dans les tranchées qui
poussent certains d’entre eux à se mutiler ou se suicider, la perte des
camarades, les remords après avoir vu mourir l’ennemi ou après l’avoir soi-même
tué, les graves blessures au gaz qui vous brûlent les poumons, l’accablement
devant la mort par dizaines de magnifiques destriers de combat lors de la toute
dernière charge de cavalerie de l’Histoire.
Charlie et ses camarades, sortes d’antihéros, dont certains
sont des vétérans endurcis et blasés par tant de souffrances inutiles, ne sont
pourtant pas dupes…et c’est à travers leurs yeux et leurs remarques que Pat
Mills peut critiquer et remettre en cause à posteriori les décisions des
généraux de l’époque qui ont littéralement envoyés à l’abattoir des dizaines de
milliers d’hommes, souvent jeunes, lors d’opérations militaires qu’ils savaient
inutiles ou perdues d’avance.
Le décalage entre les préoccupations des civils à l’arrière
et leurs connaissances de ce qui se passait réellement sur le front et ce que
subissaient les soldats est également mis en valeur dans la première partie de
l’album. Les auteurs ont veillé à ce que chacun des premiers épisodes débute
soit par une lettre envoyée par Charlie à sa famille restée en Angleterre, soit
par une missive qui lui a été envoyée. Le contraste est saisissant entre les
souhaits d’un frère qui demande s’il peut utiliser son couteau en son absence, une vieille tante qui se plaint de douleurs
futiles ou un proche qui raconte le mariage d’un voisin ; et les
tentatives de survie des soldats qui tentent de se protéger sous une pluie d’obus
ou de shrapnels.
Créées par la plume de Joe Colquhoun, les images sont fortes
et sublimes ; les planches sont remplies au maximum et fourmillent de
détails qui donnent vie à un épisode aujourd’hui centenaire. Parue à la fin des
années 1970 sous le titre Charley’s War, la série a tenu une place jusqu’au
milieu des années 1980 dans la revue Battle Action, un hebdomadaire spécialisé
dans les récits de guerre et destiné aux jeunes garçons. Le succès qu’elle y a
obtenu est du à la puissance du dessin, renforcé par un scénario qui s’appuie
sur des documents, des faits et des recherches historiques racontés par Pat
Mills.
Ce premier tome se termine dans les tranchées autour du
gâteau d’anniversaire que Charlie s’apprête à manger avant qu’une nouvelle fois
il soit obligé de risquer sa vie pour faire arrêter les artilleurs de son
propre camp qui sont en train de leur tirer dessus. Le premier tome est aussi
complété par une introduction et une préface très détaillées qui expliquent la
naissance de Charley’s War et d’une longue postface rédigée par Pat Mills dans
laquelle il expose la logique de chaque épisode, le remet dans son contexte
historique, et justifie ses choix scénaristiques. Un premier volume qui appelle
à se plonger dans les autres le plus rapidement possible.
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