mercredi 18 janvier 2017

Pat Mills, Joe Colquhoun, La Grande Guerre de Charlie. La Bataille de la Somme-1, Editions Delirium, 2011.




Pat Mills, Joe ColquhounLa Grande Guerre de Charlie. La Bataille de la Somme-1,
Editions Delirium,
2011.

Charlie est un jeune Britannique, un peu naïf, pas très intelligent. Amoureux de chevaux, il vit de petits boulots. En 1916, Charlie n’a que seize ans. C’est à ce moment qu’il apprend que l’armée britannique recrute des hommes car une grande offensive est prévue pour battre définitivement les Allemands. Sans hésitation, il ment sur son âge pour intégrer les troupes britanniques qui vont aller combattre en France, sur la Somme.

Car c’est bien de cet épisode dont il est question dans ce premier tome de la longue série consacrée à l’itinéraire de Charlie dans sa Grande Guerre. Au fil d’époustouflantes planches en noir et blanc réalisées par Joe Colquhoun, on peut suivre les péripéties de Charlie et de ses compagnons : les assauts meurtriers, les tentatives de captures de prisonniers, leur égarement dans les tranchées ennemies, les gaz, les tirs amis…A chaque fois, par des concours de circonstance aussi incroyables qu’hasardeux, le héros s’en sort in extremis.

Il ne s’agit pourtant pas pour Pat Mills, scénariste de la série, de faire de ces soldats des super héros, ni de la série, une suite de BD de propagande incitant à la guerre comme il a pu en exister, même pendant que les combats faisaient rage. Car à Charlie et à ses compagnons, il fait subir les souffrances les plus extrêmes qu’ont pu connaître les soldats dans les tranchées : le désespoir et l’insupportable vie dans les tranchées qui poussent certains d’entre eux à se mutiler ou se suicider, la perte des camarades, les remords après avoir vu mourir l’ennemi ou après l’avoir soi-même tué, les graves blessures au gaz qui vous brûlent les poumons, l’accablement devant la mort par dizaines de magnifiques destriers de combat lors de la toute dernière charge de cavalerie de l’Histoire.

Charlie et ses camarades, sortes d’antihéros, dont certains sont des vétérans endurcis et blasés par tant de souffrances inutiles, ne sont pourtant pas dupes…et c’est à travers leurs yeux et leurs remarques que Pat Mills peut critiquer et remettre en cause à posteriori les décisions des généraux de l’époque qui ont littéralement envoyés à l’abattoir des dizaines de milliers d’hommes, souvent jeunes, lors d’opérations militaires qu’ils savaient inutiles ou perdues d’avance.

Le décalage entre les préoccupations des civils à l’arrière et leurs connaissances de ce qui se passait réellement sur le front et ce que subissaient les soldats est également mis en valeur dans la première partie de l’album. Les auteurs ont veillé à ce que chacun des premiers épisodes débute soit par une lettre envoyée par Charlie à sa famille restée en Angleterre, soit par une missive qui lui a été envoyée. Le contraste est saisissant entre les souhaits d’un frère qui demande s’il peut utiliser son couteau en son absence,  une vieille tante qui se plaint de douleurs futiles ou un proche qui raconte le mariage d’un voisin ; et les tentatives de survie des soldats qui tentent de se protéger sous une pluie d’obus ou de shrapnels.

Créées par la plume de Joe Colquhoun, les images sont fortes et sublimes ; les planches sont remplies au maximum et fourmillent de détails qui donnent vie à un épisode aujourd’hui centenaire. Parue à la fin des années 1970 sous le titre Charley’s War, la série a tenu une place jusqu’au milieu des années 1980 dans la revue Battle Action, un hebdomadaire spécialisé dans les récits de guerre et destiné aux jeunes garçons. Le succès qu’elle y a obtenu est du à la puissance du dessin, renforcé par un scénario qui s’appuie sur des documents, des faits et des recherches historiques racontés par Pat Mills.

Ce premier tome se termine dans les tranchées autour du gâteau d’anniversaire que Charlie s’apprête à manger avant qu’une nouvelle fois il soit obligé de risquer sa vie pour faire arrêter les artilleurs de son propre camp qui sont en train de leur tirer dessus. Le premier tome est aussi complété par une introduction et une préface très détaillées qui expliquent la naissance de Charley’s War et d’une longue postface rédigée par Pat Mills dans laquelle il expose la logique de chaque épisode, le remet dans son contexte historique, et justifie ses choix scénaristiques. Un premier volume qui appelle à se plonger dans les autres le plus rapidement possible.


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