dimanche 15 octobre 2017

Paolo Cossi, Medz Yeghern. Le grand mal, Dargaud, Paris, 2009.




Paolo Cossi, Medz Yeghern. Le grand mal,
Dargaud,
Paris, 2009.

Les bandes dessinées sur le génocide des Arméniens fleurissent depuis quelques temps. Elles sont de qualités inégales. Celle-ci, parue en Italie en 2009, est antérieure à l’effervescence des productions qu'on a connues depuis le centenaire de l’événement et celui de la Grande Guerre.

Difficile à acquérir aujourd'hui à un prix raisonnable (elle coûtait 9,50 euros à sa parution...), l'histoire dramatique racontée ici commence pourtant par un espoir: celui de ces soldats que l'on apprend rapidement être Arméniens, et qui sont démobilisés en 1915 par l'armée ottomane sous prétexte de sécuriser l'intérieur du pays. De l'arrière, ils n'en connaîtront plus que les quelques premiers kilomètres qui les séparent de leur lieu d'exécution. Le génocide vient de commencer. Alors que dans tout le pays on massacre hommes, femmes et enfants, on "épure" l'armée de ceux que l'ont considère désormais comme des éléments nocifs. Partout on assassine "traîtres et ennemis à la pureté de la race turque".

Le massacre est vu à travers les regards de plusieurs acteurs: un soldat arménien que l'on a "oublié" d'achever pendant une tuerie de masse; sa mère, à des kilomètres de lui, qui est poussée dans une colonne de déportés que l'on mène à la mort dans le désert; celui d'un soldat allemand que l'on dégrade pour s'être intéressé de trop près aux actions meurtrières et sanglantes de l'allié ottoman et celui de ce mystérieux vendeur d'esclaves qui, moyennant finances et peut être pris de remords, réussira à sauver quelques victimes de la mort.

Le génocide en lui-même est exposé sans filtre; la couverture du roman graphique en témoigne. Les scènes de tuerie sont violentes et sauvages, et retransmettre parfaitement l'ambiance de la situation et la détermination sauvage des bourreaux fanatiques. Viols, décapitations, famine et folie d'hommes et de femmes, de jeunes et de vieux, poussés à bout par les sentiments de survie les plus bas, sont représentés crûment. Part belle est faite aussi à la résistance arménienne, volonté de montrer que les Arméniens ne furent pas des sacrifiés passifs et dociles en attente de leur funeste destin. L'ouvrage est aussi bourré d'influences artistiques diverses et variées; citons la terrible vignette influencées par Guernica de Picasso.

Scientifiquement au point, l'édition française est agrémentée de cartes et documents utiles pour comprendre et faire comprendre un épisode de l'Histoire encore trop souvent méconnu ou volontairement déformé. 

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