dimanche 17 septembre 2017

William S. Allen, Une petite ville nazie, Bibliothèques 10/18, Paris, 1967.




William S. Allen, Une petite ville nazie,
Bibliothèques 10/18,
Paris, 1967.

Sorte d'enquête-reportage romancée sortie dans les années 60, Une petite ville nazie est une plongée dans la genèse de l'installation du national-socialisme dans une ville moyenne du centre de l'Allemagne au début des années 1930. Par un gros travail de recherches dans des journaux, des archives, témoignages et autres documentations, l'auteur montre par quels mécanismes les nazis ont progressivement, lentement, réussi à prendre le pouvoir à Thalburg.

Cette enquête scrupuleuse, à la croisée de l'histoire, de la sociologie et des sciences politiques, montre que c'est la crise, ou du moins les effets qu'elle a produits  dans les esprits des bourgeois de la ville, et les fantasmes qui l'ont accompagnée, qui a poussé la population dans les bras de la seule idéologie qu'elle considérait comme réellement révolutionnaire et efficace: le nazisme.

Le marasme économique servit effectivement de terreau au développement de cet extrémisme. Il ne restait plus qu'aux nazis à y greffer une savante propagande bien orchestrée et leur antisémitisme virulent. La terreur venait ensuite faire taire toute opposition ou tentative de critique de Hitler et de ses sbires, avec pour conséquence une main mise longue et durable sur une population qui finalement ne comprenait du nazisme que quelques bribes, chacun en retirant ce qui lui convenait le mieux, sans en saisir sa dangereuse totalité. Car une fois installé, il ne pouvait plus être renversé que par la Seconde Guerre mondiale, qui allait révéler le nazisme dans toute son horreur.

William S. Allen dépeint une petite ville devenue théâtre d'une remise en cause violente de la toute jeune République de Weimar, gouvernement aux pieds d'argile entre les mains du vieillissant Hindenburg, en proie aux vives critiques de tous les partis extrêmes de tous bords et de toutes tendances: marxistes, nationalistes, conservateurs, nationaux-socialistes... Ceux-ci s'affrontent dans les rues, pendant les meetings. On assiste à une brutalisation de la politique, puis à celle de la société devenue violente par cette saturation saturée de politique. La politique devient aussi spectacle: on défile maintenant en uniforme, on organise des parades censées redonner force et courage à un peuple qui se sent humilié par la défaite et trahi par le Traité de Versailles.

Chacun entre au NSDAP pour ses propres raisons. La plupart pour faire carrière plus que par véritable conviction. D'autres y voient le moyen d'obtenir une certaine tranquillité, un moyen pour éviter les ennuis. Les diverses élections de ce début des années trente sont à chaque fois des moments de montrer sa force, notamment auprès d'une jeunesse, dont certains membres entrent dans les Jeunesses hitlériennes, pour plus tard intégrer les SA, ou la SS.

Mais la crise, toujours cette crise et les peurs qui l'accompagnent précipiteront finalement la petite bourgade dans le nazisme, à l'instar du pays tout entier. Dès lors, le véritable visage du nazisme s'abat sur la ville, incarné par le sinistre Kurt Argeyz, chef de la section locale du parti nazi, qui, par un jeu subtil de malversations, de pressions, de menaces et de transformations progressives des institutions, réussit à concentrer la totalité du pouvoir entre ses mains. La société explose, l'individualisme, le repli sur soi et  la peur de l'autre règnent désormais sur une ville ou pourtant fleurissaient quelques temps auparavant clubs et associations culturelles. L'ensemble passe sous contrôle nazi: religion, associations de travailleurs, conseil municipal... L'ouverture des premiers camps de concentration inaugure la terreur qui scelle définitivement la mise au pas de la population.

La politique de grands travaux qui redonne des emplois aux favoris du régime, ou plutôt à ceux qui s'y soumettent le mieux, donne l'illusion que les nazis tiennent leurs promesses. Cela attire encore plus de monde dans le giron du parti des chemises brunes. En quelques mois, Thalburg, comme le reste de l'Allemagne, s'enlise dans un Troisième Reich dont l'idéologie, passée en actes, entraînera le monde dans la pire guerre qu'il ait connu...

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