Alfonso Zapico, Café Budaspest,
Steinkis,
Paris, 2016
La Palestine, Jérusalem,
lieux de tous les espoirs pour ces juifs d'Europe de l'est, rescapés de la
Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, qui ont tout perdu: famille, proches,
biens, logement... La "Terre promise" représente l'espoir d'une vie
nouvelle, meilleure...Yechezkel et sa mère sont de ceux-là, de ces victimes qui
ont survécu aux camps de la mort et qui tentent de survivre dans une Budapest
détruite et occupée maintenant par l'armée rouge et les communistes. Par
rapport à l'époque nazie, il n'y a que le drapeau qui leur semble avoir changé
sur les bâtiments administratifs.
Mais pour Yechezkel, les
choses vont s'avérer différentes. Différentes parce que Yechezkel a un don: il
est un violoniste virtuose. Différentes aussi parce qu'il est le neveu de
Yosef, l'oncle barman de Jérusalem. Et quand celui-ci invite son neveu et sa
mère à venir le rejoindre à Jérusalem, c'est avec un enthousiasme débordant que
le jeune violoniste accepte.
C'est au Café Budapest,
lieu où se côtoient juifs, Palestiniens, Anglais, riches, moins riches et tous
autres originaux du coin, que sont accueillis Yechezkel et sa mère. On s'y
retrouve pour boire un café, discuter, débattre, jouer et surtout rire. Les
dessins denses, en noir et blanc, fourmillent de détails et rendent compte de
l'ambiance chaleureuse du lieu. Tout ce beau monde y vit en bonne intelligence,
le café est le centre névralgique d'un quartier où se mêlent toutes les
communautés, on s'entraide, on commerce, on négocie. Yechezkel s'y épanouit au
fil des pages, y rencontrant, entre deux prestations de violon, l'amour en la
personne de Yaiza, jeune livreuse arabe de fruits et légumes. Seule la maman,
cloîtrée dès son arrivée dans sa chambre, ne profite pas de ce renouveau. Se
laissant totalement mourir, on apprendra au moment de son dernier souffle de
vie, dans les quatre planches certainement les plus terribles de l'album,
pourquoi elle n'a pas réussi à s'accrocher à cette nouvelle existence.
Sauf que Yechezkel est
loin de s'imaginer qu'en même temps, à des milliers de kilomètres de là, à
New-York, au siège des Nations-unies, se prend une décision qui va durablement
bouleverser le monde: le plan de partage de la Palestine. Dès lors, plus rien
ne sera comme avant. Dans le Café Budapest, dans le quartier, à Jérusalem et
dans toute la région, les anciennes amitiés se brisent, les relations se
dénouent, les notes du violon juif d'Yechezkel ne sonnent plus comme avant aux
oreilles musulmanes. Le café, la ville toute entière sombrent dans la
décadence, dans la violence. Place est faite aux extrémistes de tous bords, aux
actes terroristes de tous bords. On frappe, on tue des innocents, on s'acharne
sur des civils.
Et lorsqu’Alfonso Zapico
termine son ouvrage, c'est pour consacrer ses dernières planches au retrait des
troupes anglaises de Palestine le 9 mars 1948, et pour représenter les premiers
combats de la première guerre israélo-arabe sur les suivantes, prémices du
conflit qui dure depuis maintenant 70 ans.
Parmi les 150 planches
que compte cet ouvrage, les planches plus historiques sont réellement
magnifiques et d'une grande clarté. L'ouvrage est une vraie leçon de tolérance
à lui tout seul, mais il renseigne aussi sur l'absurdité d'une guerre qui du
jour au lendemain fait d'anciens amis, les pires ennemis prêts à s'entre-tuer.
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