vendredi 21 octobre 2016

Alfonso Zapico, Café Budaspest, Steinkis, Paris, 2016




Alfonso Zapico, Café Budaspest,
Steinkis,
Paris, 2016


La Palestine, Jérusalem, lieux de tous les espoirs pour ces juifs d'Europe de l'est, rescapés de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, qui ont tout perdu: famille, proches, biens, logement... La "Terre promise" représente l'espoir d'une vie nouvelle, meilleure...Yechezkel et sa mère sont de ceux-là, de ces victimes qui ont survécu aux camps de la mort et qui tentent de survivre dans une Budapest détruite et occupée maintenant par l'armée rouge et les communistes. Par rapport à l'époque nazie, il n'y a que le drapeau qui leur semble avoir changé sur les bâtiments administratifs.

Mais pour Yechezkel, les choses vont s'avérer différentes. Différentes parce que Yechezkel a un don: il est un violoniste virtuose. Différentes aussi parce qu'il est le neveu de Yosef, l'oncle barman de Jérusalem. Et quand celui-ci invite son neveu et sa mère à venir le rejoindre à Jérusalem, c'est avec un enthousiasme débordant que le jeune violoniste accepte.

C'est au Café Budapest, lieu où se côtoient juifs, Palestiniens, Anglais, riches, moins riches et tous autres originaux du coin, que sont accueillis Yechezkel et sa mère. On s'y retrouve pour boire un café, discuter, débattre, jouer et surtout rire. Les dessins denses, en noir et blanc, fourmillent de détails et rendent compte de l'ambiance chaleureuse du lieu. Tout ce beau monde y vit en bonne intelligence, le café est le centre névralgique d'un quartier où se mêlent toutes les communautés, on s'entraide, on commerce, on négocie. Yechezkel s'y épanouit au fil des pages, y rencontrant, entre deux prestations de violon, l'amour en la personne de Yaiza, jeune livreuse arabe de fruits et légumes. Seule la maman, cloîtrée dès son arrivée dans sa chambre, ne profite pas de ce renouveau. Se laissant totalement mourir, on apprendra au moment de son dernier souffle de vie, dans les quatre planches certainement les plus terribles de l'album, pourquoi elle n'a pas réussi à s'accrocher à cette nouvelle existence.

Sauf que Yechezkel est loin de s'imaginer qu'en même temps, à des milliers de kilomètres de là, à New-York, au siège des Nations-unies, se prend une décision qui va durablement bouleverser le monde: le plan de partage de la Palestine. Dès lors, plus rien ne sera comme avant. Dans le Café Budapest, dans le quartier, à Jérusalem et dans toute la région, les anciennes amitiés se brisent, les relations se dénouent, les notes du violon juif d'Yechezkel ne sonnent plus comme avant aux oreilles musulmanes. Le café, la ville toute entière sombrent dans la décadence, dans la violence. Place est faite aux extrémistes de tous bords, aux actes terroristes de tous bords. On frappe, on tue des innocents, on s'acharne sur des civils.

Et lorsqu’Alfonso Zapico termine son ouvrage, c'est pour consacrer ses dernières planches au retrait des troupes anglaises de Palestine le 9 mars 1948, et pour représenter les premiers combats de la première guerre israélo-arabe sur les suivantes, prémices du conflit qui dure depuis maintenant 70 ans.

Parmi les 150 planches que compte cet ouvrage, les planches plus historiques sont réellement magnifiques et d'une grande clarté. L'ouvrage est une vraie leçon de tolérance à lui tout seul, mais il renseigne aussi sur l'absurdité d'une guerre qui du jour au lendemain fait d'anciens amis, les pires ennemis prêts à s'entre-tuer. 



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