Le bord de l’eau,
Lormont, 2021.
« Les idées fausses ne meurent jamais » … cependant
elles tuent. Les assassinats liés directement au négationnisme sont rares me direz-vous,
mais ils existent (attentat de Halle en Allemagne en 2019) et même si les
victimes sont peu nombreuses, rien qu’une seule, en est déjà une de trop.
En France, on a tendance à penser que le négationnisme est
une création nationale, et que ce sont nos « faussaires de l’histoire »
bien de chez nous qui ont tout inventé, puis diffusé en Europe et dans le
monde.
La réalité mise en lumière par Stéphanie Courouble Share,
historienne et chercheuse associée à l’Institute for the Study of Global
antisemitism and Policy de New York, montre que le négationnisme français n’est
en rien précurseur, mais constitue plutôt un maillon d’un réseau bien plus
vaste, dont le berceau se situe en Allemagne et aux Etats-Unis. Sans nier
aucunement l’originalité des falsificateurs de l’histoire français (Bardèche
tout de suite après la guerre, l’ancien déporté Rassinier ou Faurisson qui introduit
l’impossibilité technique de gazer les Juifs), l’ouvrage permet de mettre en
lumière des figures bien moins connues chez nous et qui posèrent, en leur temps,
les bases du mensonge négationniste : Hoggan et Butz (Etats-unis),
Christophersen (Allemagne) ou Harwood (Grande-Bretagne). Les Français n’avaient
plus qu’à « surfer sur une vague » dont les remous ont agité notre
pays, surtout à partir de la fin des années 1970, début d’une sorte d’ « âge
d’or » du négationnisme hexagonal.
Terme créé en 1987 par Henry Rousso pour qualifier ceux qui
se définissaient eux-mêmes comme des révisionnistes, les négationnistes forment
un ensemble de personnes dont les idées ont pour but de clamer que le génocide
des Juifs n’a jamais eu lieu et qu’il ne s’agit que d’un mensonge constitutif du
grand complot juif de domination mondiale. Bien que se défendant pour la
plupart d’entre eux d’être antisémites, les négationnistes diffusent des
messages haineux, sous couvert de recherches pseudo-scientifiques visant à s’en
prendre à la communauté juive et à tous ceux qui combattent les idées
mensongères qu’ils diffusent.
Toute occasion est bonne pour se mettre en valeur. Outre les
évènements politiques ou géopolitiques internationaux, détournés pour illustrer
ou prouver leurs théories, ce sont souvent les scandales liés à leurs écrits,
discours ou interviews, ainsi que les procès qui leur sont faits, qui ont pu
servir de tribunes à ceux hommes et ces femmes, à l’égo surdimensionné. La
presse, souvent malgré elle, mais toujours très maladroite, a contribué à
diffuser les idées des négationnistes, en leur offrant des droits de réponse,
prétextant les règles de la liberté d’expression.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le négationnisme n’est
pas le fait de fieffés idiots, mais bien trop souvent d’universitaires ou de
chercheurs qui profitent de leur titre ou de leur place dans un centre de
recherche, pour assoir et légitimer leurs idées, installant ainsi encore plus
fortement et durablement le doute dans l’esprit de leurs lecteurs ou adeptes.
Alors, quand en plus ils bénéficient du soutien d’intellectuels (Noam Chomsky)
ou de personnalités publiques (l’Abbé Pierre), l’affaire devient encore plus
compliquée pour ceux qui défendent l’Histoire au sens noble du terme.
Véritable encyclopédie du négationnisme, l’ouvrage est un
guide indispensable qui doit ouvrir les yeux à tout historien, mais aussi à toutes
celles et ceux qui s’intéressent, de près ou de loin à l’histoire de la Seconde
Guerre mondiale, des génocides, de la Shoah, et plus généralement aux questions
sensibles. Car en effet, on ne s’improvise pas historien. La démarche historique
et rigoureuse et appelle une étude précise des documents. L’esprit critique n’est
pas la remise en cause systématique de tout ce qui est scientifiquement prouvé
et la vérité historique existe, à partir du moment où elle est étayée solidement
par les preuves.
Le génocide des Juifs d’Europe en est une. Indiscutable,
mais cela ne veut pas dire que la recherche à ce sujet soit complète et close,
en témoignent les excellents ouvrages qui paraissent actuellement. Seuls la
poursuite de cette démarche et de cette recherche scientifique, couplée à une
éducation rigoureuse faite en classe pourra contrer les idées nauséabondes,
complotistes et vectrices de haines et de violence de ses « assassins de
la mémoire ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire