samedi 11 février 2023

Stéphanie COUROUBLE SHARE, Les idées fausses ne meurent jamais. Le négationnisme, histoire d’un réseau international

 


Stéphanie COUROUBLE SHARE, Les idées fausses ne meurent jamais. Le négationnisme, histoire d’un réseau international,
Le bord de l’eau,
Lormont, 2021.

« Les idées fausses ne meurent jamais » … cependant elles tuent. Les assassinats liés directement au négationnisme sont rares me direz-vous, mais ils existent (attentat de Halle en Allemagne en 2019) et même si les victimes sont peu nombreuses, rien qu’une seule, en est déjà une de trop.

En France, on a tendance à penser que le négationnisme est une création nationale, et que ce sont nos « faussaires de l’histoire » bien de chez nous qui ont tout inventé, puis diffusé en Europe et dans le monde.

La réalité mise en lumière par Stéphanie Courouble Share, historienne et chercheuse associée à l’Institute for the Study of Global antisemitism and Policy de New York, montre que le négationnisme français n’est en rien précurseur, mais constitue plutôt un maillon d’un réseau bien plus vaste, dont le berceau se situe en Allemagne et aux Etats-Unis. Sans nier aucunement l’originalité des falsificateurs de l’histoire français (Bardèche tout de suite après la guerre, l’ancien déporté Rassinier ou Faurisson qui introduit l’impossibilité technique de gazer les Juifs), l’ouvrage permet de mettre en lumière des figures bien moins connues chez nous et qui posèrent, en leur temps, les bases du mensonge négationniste : Hoggan et Butz (Etats-unis), Christophersen (Allemagne) ou Harwood (Grande-Bretagne). Les Français n’avaient plus qu’à « surfer sur une vague » dont les remous ont agité notre pays, surtout à partir de la fin des années 1970, début d’une sorte d’ « âge d’or » du négationnisme hexagonal.

Terme créé en 1987 par Henry Rousso pour qualifier ceux qui se définissaient eux-mêmes comme des révisionnistes, les négationnistes forment un ensemble de personnes dont les idées ont pour but de clamer que le génocide des Juifs n’a jamais eu lieu et qu’il ne s’agit que d’un mensonge constitutif du grand complot juif de domination mondiale. Bien que se défendant pour la plupart d’entre eux d’être antisémites, les négationnistes diffusent des messages haineux, sous couvert de recherches pseudo-scientifiques visant à s’en prendre à la communauté juive et à tous ceux qui combattent les idées mensongères qu’ils diffusent.

Toute occasion est bonne pour se mettre en valeur. Outre les évènements politiques ou géopolitiques internationaux, détournés pour illustrer ou prouver leurs théories, ce sont souvent les scandales liés à leurs écrits, discours ou interviews, ainsi que les procès qui leur sont faits, qui ont pu servir de tribunes à ceux hommes et ces femmes, à l’égo surdimensionné. La presse, souvent malgré elle, mais toujours très maladroite, a contribué à diffuser les idées des négationnistes, en leur offrant des droits de réponse, prétextant les règles de la liberté d’expression.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le négationnisme n’est pas le fait de fieffés idiots, mais bien trop souvent d’universitaires ou de chercheurs qui profitent de leur titre ou de leur place dans un centre de recherche, pour assoir et légitimer leurs idées, installant ainsi encore plus fortement et durablement le doute dans l’esprit de leurs lecteurs ou adeptes. Alors, quand en plus ils bénéficient du soutien d’intellectuels (Noam Chomsky) ou de personnalités publiques (l’Abbé Pierre), l’affaire devient encore plus compliquée pour ceux qui défendent l’Histoire au sens noble du terme.

Véritable encyclopédie du négationnisme, l’ouvrage est un guide indispensable qui doit ouvrir les yeux à tout historien, mais aussi à toutes celles et ceux qui s’intéressent, de près ou de loin à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, des génocides, de la Shoah, et plus généralement aux questions sensibles. Car en effet, on ne s’improvise pas historien. La démarche historique et rigoureuse et appelle une étude précise des documents. L’esprit critique n’est pas la remise en cause systématique de tout ce qui est scientifiquement prouvé et la vérité historique existe, à partir du moment où elle est étayée solidement par les preuves.

Le génocide des Juifs d’Europe en est une. Indiscutable, mais cela ne veut pas dire que la recherche à ce sujet soit complète et close, en témoignent les excellents ouvrages qui paraissent actuellement. Seuls la poursuite de cette démarche et de cette recherche scientifique, couplée à une éducation rigoureuse faite en classe pourra contrer les idées nauséabondes, complotistes et vectrices de haines et de violence de ses « assassins de la mémoire ». 


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