samedi 9 décembre 2017

Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie, Gallimard, Paris, 2017.




Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie,
Gallimard,
Paris, 2017.

Le projet nazi est une révolution culturelle. Une révolution au sens premier du terme, au sens d'un retour aux origines de la "race aryenne". Le projet c'est aussi une promesse, celle de délivrer le peuple allemand de toutes les entraves qui font de lui, depuis des siècles, les jouets des puissances étrangères et de ses ennemis et en particulier des juifs, véritable menace bactériologique dangereuse qu'il faut éradiquer.

Dans ce recueil d'articles, Johann Chapoutot expose tout ce qui sert de base à l'élaboration de l'idéologie nazie et qui justifie leurs actions, même les plus abjectes, en les connectant avec les croyances et les angoisses nazies. En pénétrant l'univers mental de chacun d'entre eux, en décortiquant les grands principes de cette culture nazie, en analysant leurs écrits fondateurs, pas seulement Mein Kampf, Johann Chapoutot réfute l'idée transmise par Primo Levi dans Si c'était un homme, et reprise dans Nuit et brouillard: "ici il n'y a pas de pourquoi...". Ce "pourquoi" qui justifie chaque action nazie, existe bien dans leur mode de penser, dans cette révolution culturelle nazie. C'est ce qu'explique de façon claire, parfois brutale, l'historien du nazisme.

La base de tout réside dans deux éléments fondamentaux, intimement liés l'un à l'autre: le "sang" et le "sol". C'est un "sang parfait" qui détermine un "être parfait" et qui fait de ses actes des "actes parfaits". Celui-ci ne peut que vivre en communauté, l'individu seul n'a pas de sens. Sa communauté est celle de sa "race", attachée au territoire qui la fait vivre et la rend forte. Ce fameux "espace vital" dont on prive les Allemands depuis trop longtemps va être reconquis par les nazis. Hitler en fait la promesse! L'"homme parfait" ressemblera de nouveau aux statues grecques antiques, l'antiquité de Platon, ce défenseur à son époque de la "race", un moment où les Grecs, descendants directs des peuples nordiques ne s'étaient pas encore mélangés avec les Asiatiques.

Mais les ennemis sont partout et depuis toujours jalousent l'aryen. Dès l'antiquité, les Stoïciens remettaient en cause la puissance aryenne et venaient porter les premiers coups. L'histoire est ensuite totalement revue: le christianisme, invention juive pour affaiblir les peuples, impose la monogamie à une "race forte" qui devrait se reproduire le plus possible quitte à le faire de façon polygame; le droit romain, code enjuivé qui rompt le lien entre l'individu et la communauté et fractionne le sol en inventant la propriété privée; l'humanisme, les Lumières, la Révolution française de 1789 imposent les fausses idées d'égalité et de fraternité. Car pour les nazis, ce n'est pas parce qu'on possède la bipédie en commun avec les esquimaux qu'on est leurs frères semblables. Plus proche encore d'eux c'est le Traité de Versailles, résurgence d'actes français anti-allemands depuis Richelieu, qui est vu comme un acte de guerre, nouvel épisode de cette "guerre des races" qui dure depuis bien trop longtemps et que l'on veut maintenant finir.

On l'a bien compris, pour les nazis, toute ces atteintes à l'intégrité du "sang" et du "sol" germaniques sont le fait de cette menace bactériologique qu'incarne le juif, être sans foi ni loi, sans attache territoriale, qui, depuis plus de 6000 ans n'a que le désir de dominer, par une destruction lente et insidieuse, les autres "races" et en particulier le peuple allemand sur lequel elle s'acharne depuis des siècles. Alors pourquoi l'Action T4? Pourquoi "la solution finale"? Pourquoi Eichmann? C'est justement pour tout cela! Ce soldat zélé, fanatique fanatisé et fanatisant, satisfait uniquement par les listes de chiffres des victimes dont il organisait la mort en  masse de manière froide, était intimement persuadé qu'il mettait un terme définitif à cette menace millénaire...

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