jeudi 21 février 2019

Vassili Grossman, L'enfer de Treblinka, Arthaud, Paris, 1945.




Vassili Grossman, L'enfer de Treblinka,
Arthaud,
Paris, 1945.

"Tout est calme. A peine si on entend bruire le sommet des pins, le long de la voie ferrée (…). les cosses de lupin se fendent dès qu'on les touche, avec un tintement léger; des millions de graines se répandent sur la terre (…)", c'est en ces quelques mots, presque poétiques, que le journaliste soviétique qui avait suivi l'Armée rouge décrivait à peine treize mois après la révolte du Sonderkommando de Treblinka, le paysage qu'il découvrait. Et pourtant, avant d'arriver sur place, il avait recueilli de nombreux témoignages sur l'enfer qui s'était déroulé ici entre 1942 et 1943, et, sans ces quelques mèches de cheveux tressées qui jonchaient le sol au détour d'un chemin, il n'aurait certainement pas eu la certitude que ce qui lui avait été rapporté s'était bien passé ici.

C'est à une soixantaine de kilomètres de Varsovie que les nazis avaient décidé d'installer une de leurs usines de mort destinées à faire disparaitre les juifs de la région. Installée en secret à quelques encablures d'un premier camp de concentration, ici, à Treblinka 2, pas besoin de baraquements ou d'autres structures destinées à accueillir des détenus: les juifs qu'on y faisait venir par milliers ne devaient y passer que leurs dernières minutes de vie.

Une fausse gare pour calmer les craintes des arrivants, des messages diffusés par hauts-parleurs pour rassurer, la tonte des cheveux "pour l'hygiène" et puis l'entassement à plusieurs dizaines dans une pièce étanche que l'on nommait "douche"... La suite on la connait… De la double entrée de la chambre à gaz (une pour les vivants, l'autre pour évacuer les morts), au sol en pente pour permettre de sortir plus rapidement les corps, tout à Treblinka est construit et organisé pour assassiner le plus vite et le plus efficacement possible. Et ça fonctionne… car ce sont plus de 800 000 personnes selon les historiens qui ont été gazées ici en quelques mois.

Mais la guerre tourne mal pour les nazis. L'armée rouge est victorieuse à Stalingrad, et le fameux Reich millénaire promis par Hitler n'est plus certain de voir le jour. Alors il faut faire disparaitre les traces. Himmler donne l'ordre de déterrer les milliers de morts et de détruire leur corps. Là encore des "experts" sont dépêchés sur place pour étudier les moyens d'effacer le crime. Deux énormes grills avaleront les corps anciens et les nouveaux venus car malgré tout, on poursuit inlassablement la mise en œuvre de la politique d'assassinat des juifs d'Europe…

80 pages d'horreurs qu'il nous a paru indispensable de relire et de raconter pour rappeler, en ces temps bien sombres où l'antisémitisme s'affirme au grand jour, les conséquences ignobles du racisme et de la haine et "n'oublions pas que de cette guerre les fascistes garderont non seulement l'amertume de la défaite, mais aussi le voluptueux souvenir des assassinats en masse aisément effectués. C'est ce que doivent se rappeler, âprement, jour après jour, ceux à qui sont chers l'honneur, la liberté et la vie de tous les peuples, de toute l'humanité". 


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