mardi 27 décembre 2022

Indignez-vous! La violente espérance de Stéphane Hessel

 



Frédéric Debomy et Lorena Canottiere, Indignez-vous! La violente espérance de Stéphane Hessel

Editions Indigène,

Bouzigues, 2022.

 

Il y a des femmes et des hommes dont l’histoire et la destinée sont hors du commun. Ils ont su braver les dangers, pour remettre leur vie en péril afin de se battre pour leurs idéaux. Stéphane Hessel est de ceux-là. Son dernier combat, à l’âge de 93 ans, il l’a livré en 2010, à travers un cri d’alerte, diffusé à des centaines de milliers d’exemplaires en France et dans le monde : « Indignez-vous ! ».

Plus qu’une alarme, ce texte a été et est encore aujourd’hui un appel à la jeunesse, celui de se rendre compte que le monde dans lequel on vit est plein d’injustices et qu’il faut s’insurger contre elles. Injustices d’abord par rapport aux écarts de niveau de vie entre ceux qui n’ont rien, et ceux qui ont tout ; injustices ensuite par rapport aux atteintes aux droits de l’Homme et à la planète.

Cette bande dessinée n’est pas une simple adaptation du manifeste de Stéphane Hessel. Elle est une sorte de Méta-manifeste, une genèse du texte d’origine. Pour ce faire, Frédéric Débomy, scénariste et Lorena Canottiere, dessinatrice ont collaboré, avec l’aide d’Anne Hessel, fille et légataire de Stéphane, pour remonter aux origines les plus profondes de l’ouvrage et en retracer la réception et les retombées.

L’indignation face au nazisme à certainement forgé le caractère combattant de Stéphane Hessel, qui, outré par la violence des théories et des actes nazis, n’a pas hésité à se lancer dans la Résistance, se refusant à accepter le déshonneur. Prisonnier de guerre dans un OF-LAG, il ne pouvait se résigner à rester passif. Sa première évasion le pousse à rejoindre l’Angleterre, où, aux côtés de De Gaulle et de Jean Moulin, il échafaude les plans du futur Conseil National de la Résistance. Renvoyé en France, puis capturé et intégré dans le système concentrationnaire, son irrésistible soif de liberté le mènera à s’évader de deux des camps de concentration les plus durs : Buchenwald et Dora.

Féru de poésie et de littérature, l’art le fait tenir. Son humanisme sans borne l’entraine à donner à son combat pour les libertés une dimension plus globale. Il participe à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et rencontre des personnalités comme Eleanor Rossevelt ou le Dalaï-Lama. Mais ce qu’il projette est bien plus terre à terre et proche de lui, de nous tous en fait…

Alors qu’il prononce un discours sur le plateau des Glières en 2009, une éditrice des éditions Indigène vient le trouver pour mettre par écrit sa « violente espérance ». Qui pouvait croire à ce moment au retentissement qui allait suivre ? Qui se doutait que ce petit fascicule deviendrait la référence de tous ceux qui se battent pour les libertés, que ce soit les indignés de Wall Street à New York, ou ceux qui, au péril de leur vie, s’insurgent dans les pays où les liberté set les droits de l’Homme sont bafoués (Syrie de Bachar-El-Assad, Tunisie, où l’on s’immole pour protester contre la dictature, ou au Japon de l’après-Fukushima où l’on manifeste contre l’ultra-nucléarisation du pays…) ?



Par un traitement graphique à la craie grasse, le lecteur est baigné dans les couleurs vaporeuses de la République française. Ce rouge-orangé dominant reste inquiétant, couleur de la révolte, de la violence, de la fureur, de l’indignation…, mais aussi celle de la vie, et pourquoi pas d’une renaissance, d’une prise de conscience…

C’est un homme accompli qui s’exprime, serein devant la mort qui est toute proche. Il l’attend comme une gourmandise, maintenant qu’au crépuscule de sa vie il peut considérer qu’il a définitivement rempli sa mission.

Editer cette bande dessinée douze ans après la parution du fascicule et près de 10 ans après la mort  de Stéphane Hessel, permet de remettre au goût du jour un cri d’alerte et de se rendre compte que finalement, peu de choses ont changé depuis. C’est bien pire même, tant l’état du monde actuel est catastrophique et si forts les dangers qui menacent la paix.

La bande dessinée ne fait cependant pas référence aux polémiques engendrées par les prises de position de Stéphane Hessel sur la Palestine et sur certaines malheureuses paroles et comparaisons bien peu appropriées qui ont été relayées dans les journaux allemands. Mais était-ce là le but de cette BD ? A débattre…

S’indignera-t-on à la hauteur des enjeux actuels après la lecture de cette adaptation ? Surement pas… Mais au moins, ceux qui en sont à l’origine pourront vivre sans les remords ni les regrets de n’avoir rien tenté. A leur échelle, ils proposent à leur tour quelque chose pour contribuer au changement indispensable à la survie de l’Humanité. 


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