Jack Kirby (scénario et dessin), Les Losers, Urban Comics, 2017
Jack Kirby, le « roi des comics », le dessinateur qui a révolutionné la manière de raconter et de représenter les super-héros, le très prolifique auteur de centaines de récits hauts en couleurs aurait eu 100 ans en 2017. Il est triomphalement entré dans le Robert illustré (édition 2022) aux côtés de Pénélope Bagieu, Catherine Meurisse, Alan Moore et Akira Toriyama. C’est très classe pour un p’tit gars au style énergique et coloré !
Le style de Jack Kirby, quel est-il exactement ? Il est tout en puissance, en force, en exubérance et en énergie. Ses pages vous sautent au visage. Elles explosent, irradient, flambent, crient, hurlent, vibrent… Jack Kirby est un créateur enthousiaste et enthousiasmant.
Pourtant, comme le rappelle Neil Gaiman dans la préface de ce pavé de 272 pages, le roi Kirby n’était pas particulièrement enthousiaste à l’idée d’écrire et d’illustrer les aventures d’une bande de « perdants » pour DC comics en 1974.
Les « Losers » de cet album sont un groupe de soldats de la Seconde Guerre Mondiale, une bande de « stéréotypes » : le borgne, le jeune, le dur et l’Amérindien de service. Bof… Un comic de guerre de plus…
Qu’est-ce que Kirby peut bien tirer de cette bande de « losers » ? Ce que d’aucuns considèrent comme sa dernière grande bande-dessinée ! Et c’est vrai que ces récits de guerre portent la marque du « roi des comics ». Et c’est vrai qu’une fois encore, Jack Kirby compose un « opéra comic » pour le plus grand plaisir du lecteur.
Des histoires de soldats, Kirby en a déjà raconté et illustré des dizaines. Il en a lui-même vécu quelques-unes dans la Compagnie F du 11ème régiment d’infanterie de l’U.S. Army. Kirby a débarqué à Omaha Beach en Normandie et a combattu durant la Seconde Guerre Mondiale.
Puisant dans ses souvenirs, Kirby pimente les mésaventures de ces « Losers ». Cependant, il ne va pas tirer ces personnages de comics vers l’âpre récit de guerre. Non. Kirby n’est pas un créateur aux prétentions réalistes ou naturalistes. Kirby reste fidèle à lui-même et il a envie de remplir les pages de ses comics de récits forts, énergiques et fantastiques. C’est un créateur très positif, soucieux d’alimenter l’imagination du lecteur.
Et ce, même si des planches d’illustrations pseudo-éducatives viennent montrer au lecteur les armes utilisées durant la Seconde Guerre Mondiale ou les uniformes portés par les différents soldats. Kirby agrémente ses histoires de batailles dantesques ou de visions fantastiques. Le réalisme de la guerre lui importe peu. Il est plus habitué à illustrer des sagas cosmiques ou magiques. Il est plus familier des héros en costumes bariolés que des soldats couverts de plaies et de boue…
Il apporte tout de même une touche très personnelle à certains de ces récits de guerre. Le « King » Kirby se met lui-même en scène dans le récit « Le Dévastateur contre Big Max ». Ce soldat Rodney Rumpkin, fan de science-fiction, la tête pleine de machines fabuleuses et d’idées folles… C’est le soldat Kirby ! C’est évident ! Et le petit récit est assez émouvant lorsqu’il permet à ce soldat aussi fantasque que paumé de jouer le beau rôle dans la bataille !
C’est touchant de songer au soldat Kirby, loin de son épouse Roz, transi de froid durant l’hiver 1944 et rêvant à des lendemains meilleurs…Des lendemains pleins de personnages colorés surpuissants. Et ce sont tous les récits compilés dans le présent ouvrage qu’il faut lire et apprécier en gardant à l’esprit les aspirations et rêves du « soldat Kirby ».
Un brave p’tit gars ce Kirby qui mérite bien sa place dans le Robert illustré !
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