Sarah Cohen-Scali, Orphelins 88,
Collection R, Robert Laffont,
Paris, 2018.
Josh est un orphelin du Lebensborn, cette institution nazie qui avait pour objectif de créer des êtres à l'image du modèle aryen, l'être humain parfait selon les nazis. Mais la guerre est perdue pour eux et le livre s'ouvre avec ce jeune garçon errant sur les ruines des immeubles effondrés de Munich, en train de chercher dans les décombres de quoi survivre. Sauf que Josh n'est pas comme les autres aryens en herbe car il a un numéro matricule tatoué sur le bras. Et ce n'est pas un simple détail quand on sait que seuls les déportés des camps étaient ainsi marqués (l'auteur attribue effectivement cette marque distinctive à tous les détenus des camps nazis). Alors Josh tente tout pour cacher ce matricule, mais sa découverte par les troupes américaines va transformer son existence.
Car ce tatouage va devenir pour lui le sésame qui lui permettra d'abord d'entrer dans un foyer de jeunes orphelins pris en charge par Ida, une sorte d'assistante sociale/infirmière qui les accueille pour les soigner. Josh s'y retrouve alors entouré de jeunes comme lui, tous issus du terrible trafic d'enfants nazi. Il y a ceux qui ont été enlevés à leurs parents de force pour intégrer la Napola, centre de formation nazi où l'on apprend à se battre et à vénérer le Führer. Il y a ceux qui ont été créés par l'accouplement, parfois forcé, d'un soldat SS avec une génitrice au physique correspondant à l'archétype nazis. L'arrivée enfin d'orphelins juifs bouleversera l'histoire de Josh qui découvrira petit à petit qu'il n'est pas celui qu'il pensait être.
Dès lors va commencer une formidable aventure à travers l'Allemagne des camps de concentration tout juste libérés et transformés en centres de recherche pour personnes portées disparues. C'est aussi à travers l'Europe de l'est que Josh décide de partir pour rechercher sa véritable identité. Accompagné de Wally, ce soldat noir américain, d'Ida ou d'Halina, jeune juive dont les parents ont été assassinés, elle-même à la recherche de son frère, Josh traverse une Europe de l'est passée sous le contrôle des Soviétiques. Il va y connaitre des péripéties qui lui feront découvrir l'absurdité de l'Homme et de la Guerre froide. Absurdité de l'Homme tout d'abord quand Wally lui fera comprendre que les soldats noirs américains qui se sont sacrifiés pour la liberté des Européens subissent la ségrégation dans leur propre pays; absurdité de la Guerre froide ensuite quand il découvrira la nouvelle occupation des pays de l'est par l'armée rouge, parfois tout aussi violente que celle de l'ancien occupant nazi.
Sarah Cohen-Scali nous avait déjà habitués à des situations lourdes et malsaines dans son best-seller Max, qui retraçait l'existence depuis le stade de fœtus d'un jeune garçon dont le seul destin était de devenir un des pions de la "race supérieure" que voulait constituer les nazis. Avec ce nouveau roman, destiné à un public de jeunes adultes, l'auteure ne trahira pas les attendus de ses lecteurs et permettra d'entrer dans des univers peu connus du système totalitaire nazi et dans ce qu'il a produit de plus inimaginable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire