Laurent Galandon, Dominique Mermoux, L'appel,
Glénat,
Grenoble, 2016.
"Tu ne
vas pas comprendre, c'est normal. Il te faudra du temps (...). Allah m'a tendu
la main! (...). Demain je rejoins le Cham pour soutenir mes frères et mes sœurs
opprimés contre les mécréants." Ces quelques phrases sont celles que
découvre Cécile au début de l'ouvrage. Elles sont issues d'un petit film
enregistré et mis sur une clef USB puis postée depuis la Turquie par son fils
Benoit, jeune adolescent converti puis radicalisé en quelques semaines, et
parti faire le Djihad en Syrie dans les rangs de Daesh.
Pourtant
rien à la base ne destinait le jeune homme,à un tel avenir. Certes Benoit était
devenu trop vite orphelin. Certes, pour cela, son enfance n'était pas la plus
heureuse ni la plus facile, mais de là à s'engager dans l'organisation
terroriste, la perspective était totalement impensable pour ses proches. Et
pourtant un appel via FaceTime du jeune homme à sa mère va confirmer
l'intégration de Benoit dans son nouveau monde combattant. Désormais barbu,
totalement manipulé, fanatisé, marié
prématurément à une autre victime de la propagande islamiste, il explique à sa
mère son allégeance au califat, ses entraînements au combat et sa volonté de
combattre et d'offrir sa vie pour la défense d'un islam qu'il dit menacé par
les infidèles et les mécréants.
Alors Cécile
veut comprendre. Pourquoi et comment son enfant a-t-il pu se transformer ainsi
et si rapidement. Elle fouille dans l'ordinateur du garçon, retrouve ses amis
et fréquentations, tente de tirer les choses au clair. Elle s'en veut. Elle
s'en veut de ne pas avoir remarqué ses changements de comportement, de ne pas
avoir été assez présente et d'avoir sacrifié la relation avec son fils pour son
travail qui ne lui sert qu'à assumer un minimum vital pour son foyer.
Rapidement
elle remarque que quelque chose cloche, ne fonctionne pas. La mort de Bilal,
grand ami de Benoit est entourée de contradictions, de non-dits. Tout cela la
trouble. Pourtant, selon la version officielle, Bilal est mort d'une crise
d'épilepsie...le mystère grandit quand elle découvre certains trafics auxquels
son fils a été mêlé.
Petit à
petit les pièces du puzzle se mettent en place et s'assemblent pour former un
récit beaucoup plus cohérent et au fil des planches finales on comprend enfin
ce qui a poussé Benoit à commettre l'irréparable et à sacrifier sa vie pour une
cause à laquelle on l'a fait adhérer par la tromperie et la manipulation.
Grâce à des
dessins simples et une narration efficace, grâce aussi au jeu des couleurs et
des lavis, les deux auteurs réussissent à décortiquer le processus de
radicalisation et d'adhésion à la multinationale terroriste. En quelques
planches ils expliquent comment, par une propagande fine, celle-ci exploite
chaque frustration, chaque malentendu, même le plus minime. Comment Daesh détourne chaque acte et chaque parole pour manipuler quelques esprits faibles
ou quelques aventuriers et les rallier à sa cause.
L'appel est
non seulement celui d'un fils qui annonce son engagement, mais c'est aussi
celui d'une mère, seule et démunie, qui cherche à savoir comment elle peut et
surtout doit agir pour retrouver son enfant. Comment elle peut le sortir de ce
qu'elle jugeait jusque là totalement impossible et réservé autres autres: les
jeunes des quartiers défavorisés, les jeunes issus de l'immigration...Prête à
tout pour récupérer son fils, elle-même tentera le plus fou, le plus dangereux
pour le sortir du piège dans lequel il est tombé.
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