samedi 23 août 2025

Altarriba, Garcia Sanchez, Moral, Le ciel dans la tête Denoel Graphic, Paris, 2023.

AltarribaGarcia SanchezMoralLe ciel dans la tête,
Denoël Graphic,
Paris, 2023.


Il y a eu une période où la bande dessinée s’est intéressée de près aux migrants et à leur parcours. De l’Odyssée d’Hakim, à l’excellent roman graphique Demain, Demain de Laurent Maffre, on a pu retracer le chemin très souvent chaotique de celles et ceux qui, pour une raison ou une autre, prennent la décision très compliquée de quitter un jour leur terre d’origine pour trouver un meilleur lieu où vivre. Arrivés à destination, ils ressentent la terrible désillusion de constater que l’Eldorado qu’ils s’étaient imaginé était loin de la réalité et qu’on ne veut la plupart du temps pas d’eux ici. Plus grave: on fait tout pour mal les accueillir et pour leur rendre la vie difficile dans l’espoir qu’ils prennent eux-mêmes la décision de repartir là d’où ils viennent. Espoir vain pour les uns et pour les autres…

                               

En mêlant douceur, onirisme et cruauté sans filtre, les trois auteurs livrent dans ce roman graphique un récit inédit d’une force sans égale par rapport à toutes les productions citées précédemment. C’est à travers l’histoire du jeune Nivek, jeune personnage de fiction qui incarne tant de destins réels, que les auteurs nous plongent dans l’odyssée de ce jeune africain qui n’a qu’un objectif : trouver l’endroit où il pourra vivre en toute sérénité et observer dans une quiétude tant espérée les étoiles brillantes de la voute céleste qu’il assimile à l’univers de paix si recherché.

On sent dès le début de l’histoire que le parcours de Nivek sera compliqué. On est même très vite persuadé que rien ne finira bien. Mais au cours de ses pérégrinations et de ses rencontres, le jeune homme grandit, tant en taille qu’en esprit. Véritable parcours initiatique, c’est à partir des mines du Kivu et en traversant la jungle, la savane, le désert libyen, la méditerranée que Nivek se construit.

                                 

Enfant qui échappe à un accident dans une mine de coltan du Congo, il devient ensuite enfant soldat, drogué et quasi envouté, qui ne sait pas pour quoi et pour qui il se bat et commet des atrocités. Accompagné de Joseph, un compagnon d’infortune, il fuit pour intégrer une tribu de chasseurs d’éléphants. Toujours en quête d’un monde meilleur, c’est en compagnie d’un sorcier qu’il poursuit son voyage à travers la savane et dans le désert, où il rencontre l’amour en Aïcha, qui devient sa nouvelle raison de vivre et de ne jamais baisser les bras.  

Le style graphique de Garcia Sanchez transcende cette histoire. Par un découpage très original et des personnages longilignes et à la fois anguleux et plein de rondeurs, il installe un très fort dynamisme qui entraine le lecteur dans la course folle des différents protagonistes. Associé à Moral qui s’est chargé de la couleur, il trouve ses inspirations dans ce qu’on a coutume d’appeler les arts premiers africains. Ensemble, ils ont réussi à créer une ambiance chaleureuse qui peut s’avérer inquiétante dans certains épisodes de l’histoire scénarisée par Altarriba.

                                  

Lauréate du grand prix de la critique de l’ACBD en 2024, cette bande dessinée est certainement l’une des meilleures productions sur les migrants et les migrations et certainement l’une de meilleure bande dessinée réalisée ces dernières années. Un véritable chef-d’œuvre.

                                     

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