Frank Miller (scénario et dessin), Terreur Sainte, éditions Delcourt, 2012.
Tâche malaisée que d’écrire sur cette bande-dessinée qui est la réponse hargneuse (et quelque peu tardive) de Frank Miller aux attentats du 11 septembre 2001.
Originellement, l’auteur et dessinateur américain avait pensé à un récit dans lequel Batman affronterait Al-Qaïda à Gotham-City.
Oui. Ecrit de la sorte, les limites même du projet sont évidentes.
L’éditeur historique de Batman, DC Comics, n’ayant pas « accompagné » le projet jusqu’à son terme, Miller travestit quelque peu son histoire pour la publier chez un autre éditeur en 2011.
L’intrigue met ainsi en scène l’ « Arrangeur », le héros protecteur de la ville fictive d’ « Empire City », qui, aidé de la « Chat-Pardeuse », s’en va en découdre avec un groupe de terroristes islamistes menaçant les Etats-Unis…
Dans les années 1940, Superman ou Captain America pouvaient être représentés sur les couvertures de comic-books en train d’asséner coups de poing ou coups de pied à Adolf Hitler.
Dans les années 2000, Frank Miller entend faire de même en montrant un super-héros américain bottant les fesses de terroristes islamistes.
C’est là que le bât blesse.
Passe encore que dans sa prime jeunesse le médium comic-book se hasarde sur les chemins de la propagande infantile mais au 21ème siècle ???
Miller est du nombre de ces créateurs qui ont su, dans les années 1980, porter le médium comic-book à un niveau de maturité et d’excellence rare.
En faisant œuvre de « propagandiste », Miller se fourvoie dans une entreprise des plus hasardeuses et critiquables.
Difficile de le suivre sur ce coup-là.
Son intrigue est sommaire. Son propos est « taillé à la tronçonneuse ».
Son style graphique a évolué dans les années 2000 pour devenir plus anguleux et plus caricatural.
C’est dans ce style caricatural et dans un noir et blanc parfois agrémenté de touches de couleurs vertes ou rouges qu’il conte d’une manière fatalement trop manichéenne.
Ces 100 pages publiées à l’italienne constituent un tout petit album.
D’un point de vue purement graphique, Frank Miller compose quelques planches fortes et violentes.
Il découpe son récit efficacement.
Mais il n’a pas grand-chose à dire et raconter au lecteur.
Frank Miller « racole » comme il le fait si bien dans Sin City.
L’ensemble est « naïf » et simpliste, comme il se doit dans une œuvre de propagande.
Il convient donc de lire et de comprendre cette bande-dessinée pour ce qu’elle est : la réponse purement émotionnelle et « premier degré » de Frank Miller au choc et au traumatisme des attentats du 11 septembre 2001.
Les planches de cet album regorgent des traces « graphiques » du 11 septembre 2001.
Miller n’analyse pas, n’étudie pas, ne raconte pas, ne témoigne pas.
Miller dit et dessine sa peur, ses craintes, sa peine, sa colère, sa haine.
En l’absence de tout recul et de toute analyse, Miller se contente de livrer sa petite bande-dessinée de propagande. Toute toute petite bande-dessinée qui méritera peut-être un jour d’être brièvement citée et référencée dans une note de bas de page d’un ouvrage traitant de l’impact des actes terroristes sur les arts populaires du premier 21ème siècle...
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