Olivier Guez, La disparition de Josef Mengele,
Grasset,
Paris, 2017.
La disparition de Josef Mengele a été certainement l'un des plus grands échecs de l'action des traqueurs de nazis après la Seconde Guerre mondiale. Le médecin qui a participé activement aux sélections sur la rampe de Birkenau et aux expérimentations scientifiques, notamment sur les jumeaux et sur les techniques de stérilisation, n'a jamais été attrapé de son vivant. C'est cette disparition, cette fuite en Amérique du sud, qu'a tenté de rendre vivante et concrète Olivier Guez dans ce roman qui se dévore d'une seule traite.
Pourtant Mengele avait bien été attrapé par les Américains à l'issue du conflit mondial, mais sa véritable identité dissimulée sous un faux nom, il avait pu échapper à la vigilance des autorités judiciaires et avait réussi à s'enfuir dans l'Argentine de Perón, destination privilégiée de tout nazi soucieux de poursuivre sa carrière aux cotés du dirigeant autoritaire sud-américain. Perón souhaitait effectivement affirmer son pouvoir en utilisant les compétences et les richesses des nazis, fascistes et tous autres collabos en fuite. C'est dans ce contexte que l'Ange de la mort coule des jours heureux avec sa famille, sans vraiment se cacher, adhérant au Cercle Dürer, réunion des adeptes du nazisme qui n'ont pas abandonné l'idée d'un Reich millénaire qui dominerait l'Europe. Sillonnant la campagne argentine et celle d'autre pays d'Amérique du sud, Mengele se fait le représentant de l'entreprise familiale, vendant ici ou là les machines agricoles de son père.
C'est avec la capture d'Eichmann par le Mossad, que les choses vont prendre une tournure bien différente. Le procès et la condamnation à mort de l'architecte de la "Solution finale" ouvrent l'ère de la traque des criminels nazis. Dès lors Mengele commence sa troisième vie: celle d'un homme traqué, devenu paranoïaque, réfugié dans divers endroits de l'Argentine, puis du Paraguay et du Brésil, tapis dans un mirador, des fermes ou dans les maison insalubres des quartiers les plus sordides des villes dans lesquelles il se réfugie. Soutenu par les finances familiales qui lui parviennent par différents biais, et s'appuyant sur l'aide d'indéfectibles au régime nazi, Mengele échappe souvent de justesse à la capture.
Devenu peu à peu le fantasme des grands chasseurs de nazis, on le repère à peu près partout, pour ne le trouver finalement nulle part. Sa traque évolue en fonction du contexte géopolitique de la guerre froide et du conflit israélo-palestinien. Après un sublime passage narrant la dernière rencontre avec son fils, devenu adulte et écœuré par la découverte de l'histoire d'un père qui, même des années plus tard, justifie sa participation au projet nazi, l'homme mourra comme il le mérite: dans l'indifférence générale, déchu de tous ses titres universitaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire