lundi 26 février 2018

François et Emmanuel Lepage, La lune est blanche, Futuropolis, Paris, 2014.




François et Emmanuel Lepage, La lune est blanche,
Futuropolis,
Paris, 2014.

Cet ouvrage monumental réalisé par deux frères artistes est, au départ, l'histoire d'une suite de déceptions. Et pourtant, tout commence par un espoir, une véritable joie devrait-on dire, celle d'intégrer un voyage au sein d'une équipe de scientifiques sur les terres les plus inaccessibles du globe terrestre: l'Antarctique. Emmanuel Lepage, dessinateur et auteur de BD, et François Lepage, photographe, sont effectivement invités à réaliser un reportage sur l'expédition. Mais alors qu'ils fêtent un dernier noël en famille, la tête déjà bien ailleurs, ils apprennent que le voyage ne se fera peut être pas: l'Astrolabe, le bateau censé transporter le convoi est bloqué par les glaces à des milliers de kilomètres de là.

Quand finalement l'Astrolabe se libère de sa prison de glace, et que tous se présentent sur un petit port de Tasmanie, ce sera de courte durée que l'enthousiasme prendra l'équipage: en effet le mal de mer terrasse une grande partie des voyageurs, puis c'est le barrage formé par le pack, barrière maritime gelée qui fera s'effondrer les espoirs de chacun. De précieux jours défilent sans que personne ne puisse rien faire, on essaye tant bien que mal de tuer le temps, mais aucun n'arrive à véritablement dissimuler ses craintes de devoir renoncer à l'expédition.

Après une douzaine de jours de vains essais pour franchir le pack, ce sera finalement le treizième jour que l'espoir renaîtra: le pilote, guidé par satellite, a enfin trouvé la brèche qui lui permet de faufiler le bateau pour atteindre la base de Dumont D'Urville, porte d'entrée vers le Pôle sud, où se trouve Concordia, la base scientifique française, ultime but du voyage. Le chef de l'expédition fait une nouvelle fois vite retomber la joie de tous: le retard pris lors du franchissement du pack l'oblige à organiser immédiatement le retour  de certains membres de l'équipage, avant que les conditions naturelles bloquent tout le monde sur place pendant des mois. Difficile décision à prendre: certains, à peine posé le pied sur le continent glacé, devront immédiatement repartir. Les deux artistes participeront-ils au fameux raid, à cette traversée du continent, pour rejoindre Concordia?

La force du livre réside tout d'abord dans l'image: le dessin est tout simplement sublime, les qualités d'Emmanuel Lepage en ce domaine ne sont plus à prouver. Mais le jeu de couleurs (sépia pour les flashback, et lavis grisés pour rendre compte de l'ambiance antarctique) est d'une efficacité remarquable. Les photographies quant à elles sont magnifiques, souvent en pleine page, voire sur double page, elles sont presque surréalistes tant elles reflètent au monde qui nous est totalement inconnu. Le travail sur la lumière est réussi et nous plonge aux cotés des protagonistes de l'histoire dans ces contrées hostiles, où toute vie est impossible.

La narration est une autre force du livre. Entre moments d'angoisse et attentes pendant lesquels il ne se passe finalement pas grand chose, place est faite à l'histoire de la conquête de l'Antarctique, depuis les projets fous de la fin du 18ème siècle, à la compétition entre les Etats (parfois dramatique) au début du 20ème. Les épopées de Charcot, Dumont D'Urville, et Kerguelen sont retracées; jusqu'au partage du continent dans le premier tiers du 20ème siècle. Les enjeux stratégiques actuels intéresseront aussi sans aucun doute les lecteurs géographes ou géopolitologues.

L'ouvrage se termine enfin par un Portfolio, rassemblant les photographies, quelques croquis et plein d'informations sur la base de Concordia, ses chercheurs et ses missions.

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