François Durpaire, Farid Boudjellal, La Présidente tome 2. Totalitaire,
Les Arènes BD, Demopolis,
Paris, 2017.
Le deuxième tome, et sûrement pas
le dernier de cette série de "science fiction civique", comme la
désignent les auteurs eux-mêmes, débute en 2022. Cinq années ont passé depuis
la fin du premier volume et le rapt de Phillipot qui clôturait La Présidente. Rien
ne s'est arrangé: la France est devenue une dictature qui se cache derrière des
institutions qui ne servent plus à rien, et la campagne pour les
présidentielles qui vient de débuter appuie cet état de fait: le seul
concurrent possible à Marine Le Pen est
Mohamed Labbes, dont les traits ressemblent étrangement à un certain
Omar Raddad. On ne l'attaque plus sur son programme; on préfère l'attaquer sur
son entourage, dénichant une lointaine connaissance compromise dans le
terrorisme international. C'est ainsi que cette "gauche dure" pourra
être réduite au silence et "ces gêneurs" évincés de la course à la présidence.
De la science fiction politique
donc, mais avec bien des aspects réalistes. Exceptés ces robots gardiens des
nouveaux centres de rétention/camps de concentration pour immigrés plus ou
moins clandestins, le reste est tout à fait crédible car une fois de plus, le
gouvernement décrit s'appuie sur des lois déjà existantes et les utilise de
façon extrême pour mettre en œuvre un programme politique extrémiste.
L'ambiance dans le pays, dans les familles est délétère, les opposants sont
emprisonnés, les gens surveillés comme dans 1984 d'Orwell, les expulsions de
"faux Français" sont devenues monnaies courantes.
Un attentat survenu à Lourdes
doublé d'une fraude électorale permettra à Marine de se faire réélire et de
nommer les plus radicaux de l'extrême-droite dans son nouveau gouvernement. Dès
lors les mesures réellement totalitaires sont mises en place, celles qui
permettent d'éduquer un "citoyen nouveau": géolocalisation des
musulmans, bracelets électroniques pour les "suspects", logiciels et
équipement de reconnaissance faciale pour la police, ...
Par un concours de circonstance
que l'on découvrira en lisant l'ouvrage, ce sera finalement de son propre camp
que viendront les attaques les plus dures contre la Présidente. Certaines de
ces difficultés avaient déjà été entrevues dans le premier volume. Les plus
extrémistes rassemblés autour de la nièce vont réussir le "coup d'état
institutionnel " pour faire démissionner Marine et laisser la place à
Marion. Celle-ci aux commandes de l'Etat durcira l'"œuvre" engagée
depuis cinq ans. La nouvelle devise de la France, "unité, modernité,
sécurité" scellera définitivement le sort du gouvernement français qui ne
conservera de la république plus que le
nom.
Avec ses amis américain (Trump),
russe (Poutine) et anglais (Johnson), Marion Maréchal Le Pen ouvre l'ère d'un
nouveau monde bipolaire, non plus scindé est/ouest comme à l'époque de la
guerre froide, mais nord/sud. L'objectif est désormais de lutter contre
"l'invasion économique, démographique et culturelle du sud",
notamment de la Chine et des pays africains.
Comme dans tous les grands régimes
totalitaires, l'accent est mis sur une politique nataliste, cela en interdisant
l'IVG et l'homosexualité, non créatrice de naissances, et par la réduction à
néant de tout esprit critique et de toute possibilité de se construire intellectuellement grâce à la fermeture des écoles et la mise en ligne
d'une éducation officielle totalement propagandiste.
Ce deuxième tome qui paraît en
pleine pré-campagne électorale amène encore une fois à se poser des questions
réelles sur ce qui pourrait advenir en cas d'élection d'un parti
d'extrême-droite en France et sur les conséquences que pourrait avoir la
mise entre les mains d'extrémistes du
pouvoir et de lois prises notamment dans le cadre de l'état d'urgence, déjà en vigueur dans notre pays. L'occasion de se
dire aussi qu' "il est encore temps d'éviter le pire".
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