Plein Ciel, c’est l’histoire d’une tour qui porte ce nom.
Une tour comme on en trouve dans toutes les ZUP des banlieues françaises, dans
lesquelles des centaines d’individus se partagent la même entrée, la même cage
d’escaliers, le même hall d’entrée, le même ascenseur.
Cette BD commence par la défenestration d’un octogénaire.
Après avoir nourri ses animaux, il franchit l’encadrement de sa fenêtre et se
jette dans le vide. Sa mort laisse ses voisins dans la stupéfaction et dans
l’incompréhension. Est-il tombé par accident ? S’est-il suicidé ? Et
si c’est le cas, pourquoi n’a-t-on pas trouvé un dernier mot d’adieu à Martine,
sa plus poche confidente ?
Tout l’équilibre de l’immeuble est une nouvelle fois
bouleversé quand, quelques jours plus tard, deux hommes, visiblement en couple,
investissent l’appartement du vieillard. Ils ne sont visiblement pas là par
hasard et leur action dans le quartier interroge, d’autant plus que les
politiques rodent dans le coin et donnent des interviews dans la presse. On y
parle de rénovation, de restructuration, de reconversion. Tout cela a peu de sens pour ce microcosme
qui semble vivre ici depuis toujours et en bonne intelligence.
La bande dessinée est belle, les planches sont bien
réalisées, tout en lavis et en couleurs. Les vignettes foisonnent de détails et
sont parfois organisées tels les appartements de l’immeuble. On y voit le
quotidien de chaque famille, de chaque personne en son « chez-soi »,
petit cocon devenu presque alcôve, où chacun réalise les gestes de la vie
quotidienne. On s’y reconnait forcément, même si on n’y a pas habité.
Reste le scénario qui interroge. La première interrogation
concerne l’époque à laquelle se déroule l’histoire. Le lecteur est plongé dans
une période où vivre dans ces grands ensembles parait être la panacée. Les
relations entre voisins sont cordiales, presque solidaires. Il y fait bon habiter.
C’est le sentiment éprouvé, on le sait, dans les années 1950-1960 quand on
découvrait l’utopie de Le Corbusier, persuadé d’offrir aux futurs habitants le
nec plus ultra de la modernité et des commodités sans limites de tels
bâtiments. Or, que vient faire là-dedans cette histoire de rénovation urbaine,
bien plus contemporaine celle-là ? Et si l’histoire proposée par le scénariste
est actuelle, alors qu’en est-il des problèmes que subissent ces quartiers
aujourd’hui : ségrégation socio-spatiale ? Taux de chômage ?
Délinquance… ?
La galerie des personnages pose également question. Quand on
connait le quartier des Côteaux de Mulhouse qui a fortement inspiré le
scénariste, on remarque aisément que les personnages de la bande dessinée ne
correspondent pas vraiment à celle qui y vit aujourd’hui. Pourquoi n’avoir pas
représentée sa population bigarrée et issue de l’immigration depuis plusieurs
générations ? Pourquoi n’avoir pas fait état des préoccupations actuelles
et réelles de cette population qui éprouve de réelles difficultés et un sentiment
de mise à l’écart des politiques de la ville ?
Un décalage chronologique voulu ou une volonté de cacher la
réalité ? Une vision utopiste volontairement décalée ? Ou tout simplement
une sorte de conte social et dramatique fait pour interroger ? La bande
dessinée n’étant pas à l’origine un médium à but scientifique, tout est
possible et permis. Alors pourquoi pas…
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