Paris, 2023.
L’image de Saint-François d’Assise qui arpente les campagnes
et nourrit des oiseaux, dans un état de dénuement total, est classique et
souvent représentative du pauvre au moyen âge. Cette vie de misère est
cependant loin d’être celle de la majorité des pauvres de l’époque médiévale,
pour la bonne et simple raison que François d’Assise et les Franciscains après
lui, ont fait vœux de pauvreté et que, volontairement, ils mendient, pour vivre
une vie conforme à celle du Christ. De ces « pauvres volontaires », on
ne se méfie pas et on donne, car leur faire aumône était gage de salut pour
leur bienfaiteur.
Qu’en est-il des autres pauvres de cette période, dont le
nombre ne fait qu’augmenter au fil du temps et des terribles fléaux (peste,
guerres, disettes...) qui touchent le Moyen-âge ? Répondre à cette question
est ardu pour l’historien qui ne dispose que de très peu de sources. Mais
quand l’historien dispose de compétences en linguistique, tout devient possible.
C’est le cas de Jean-Louis Roch, maitre de conférences honoraire en histoire à
l’université de Rouen.
Par un décryptage fin et poussé de textes littéraires,
pièces de théâtre, bréviaires, poèmes, chants…, il reconstitue la manière dont
on nommait, considérait, traitait et vivait la pauvreté à une époque où tout l’ordre
social, toute sa hiérarchie, était vu comme une immuable création divine, un
certain ordre normal des choses. Mais si le pauvre est aussi une création de
dieu, alors il doit être pris en considération sous peine, pour le riche, de
subir le châtiment divin. C’est toute cette relation ambiguë entre ceux qui n’ont
rien et ceux qui possèdent tout et la place du miséreux dans la société médiévale
que met en lumière le chercheur.
Doit-on accepter dans les villes ces « gueux » qui
peuplent les rues et dont l’allure peut faire peur ou repousser ? Comment
distinguer celui qui est réellement pauvre, de celui qui « truande »
pour profiter de la solidarité des gens afin de rester oisif ? Comment les
pouvoirs publics ou religieux gèrent-ils ce problème croissant ? Que
ressent le pauvre et celui qui le côtoie ?
Le cœur de l’ouvrage, et son principal intérêt, réside dans
l’étude linguistique et étymologique que fait Jean-Louis Roch des mots et
expressions utilisés pour définir ou qualifier la pauvreté au moyen âge. Le champ
lexical de la misère, en français et dans certaines langues régionales, est décortiqué
avec minutie. L’origine des mots et leur sens primitif sont mis à jour. On ressort
souvent étonné par l’évolution de la langue française corrélée à celle de la
considération et la représentation que l’on avait des pauvres. Prenons pour
simples exemples parmi tant d’autres les termes de « Méchants », « malheureux »
ou « truands », dont le sens, pas forcément négatif à l’origine, s’est
énormément transformé, pour prendre celui qu’il a aujourd’hui.
Bien qu’appartenant à la collection « Histoire »
des Belles Lettres, le livre intéressera tout aussi bien les passionnés de
langue française, ceux du moyen âge et tout autre lecteur curieux. Mais tous y
verront à coup sûr des réminiscences dans la société d’aujourd’hui.
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