dimanche 28 octobre 2018

Marion Mousse et Koza, La révolte des Terres, Casterman, Paris, 2017.




Marion Mousse et Koza, La révolte des Terres,
Casterman,
Paris, 2017.

A la fin du mois de mai 1941, une grève générale éclate dans tout le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. On y dénonce l'occupation allemande et les conditions de travail dans les mines. Incapables de faire régner l'ordre seules, les forces de police françaises font appel à celles de l'occupant. L'Aktion Pütz aboutit à l'arrestation de 273 mineurs, dont 244 seront déportés en juillet 1941 à Sachsenhausen. 

Cet épisode de l'histoire, considéré comme le premier acte de résistance collectif face à l'occupant nazi, est raconté de façon magistrale dans ce magnifique album. Trois temporalités de superposent ici. L'épisode des grèves qui met en scène une famille de mineurs en particulier, dans laquelle on est tiraillé entre la tradition communiste qui pousse certains membres à s'investir dans le combat, et d'autres, plus détachés, qui se tiennent à l'écart de l'agitation ouvrière. D'autres planches sont consacrées à la vie et aux événements qui ont lieu dans le camp de concentration. Trois planches muettes exceptionnelles exposent la première phase de déshumanisation à l'arrivée dans le camp; les suivantes relatent le travail forcé, les mauvais traitements, les coups, les assassinats, et les marches de la mort lors de l'évacuation du camp vers un autre camp de concentration: Neuengamme. Enfin, une dernière partie de la bande dessinée met en scène des familles de déportés, en 1945, dans le hall de l'hôtel Lutetia, angoissées, attendant d'éventuelles nouvelles d'un proche disparu pendant la guerre.

Par un savant traitement de l'image au lavis, les auteurs transcrivent parfaitement l'ambiance de ces trois temps, et devrait-on dire aussi des trois lieux: l’hôtel, la mine, le camp. Car le noir, le blanc et les nuances de gris, sont les couleurs du charbon et de cette mine, qui avale tous les débuts de journée des centaines d'hommes et qui les recrache chaque soir, sales et exténués. Ce sont aussi les couleurs du ciel bien souvent pluvieux dans cette région de France. Noir et blanc, sont aussi les couleurs du damier du jeu d'échec, auquel s'adonnaient certains personnages de cette histoire avant leur déportation. Enfin ce contraste traduit aussi l'opposition entre le bien et le mal, entre la résistance et la collaboration, entre ceux qui combattent et ceux qui sont résignés, entre kapo et simple détenu, entre l'espoir de retrouver quelqu'un et l'horreur d'apprendre la mort d'un autre ...

De ces 244 déportés, seul un tiers est revenu vivant de la déportation. Cet album, comme d'autres répertoriés sur ce blog, met en lumière une nouvelle fois un épisode bien peu connu de la Seconde Guerre mondiale, épisode qui devrait pourtant être plus mis en lumière quand on en perçoit la portée historique et symbolique. Un bien bel hommage à ces hommes morts car ils n'ont pas voulu renier leurs convictions.

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