dimanche 2 décembre 2018

Hervé Le Corre, Après la guerre, Payot et Rivages, Paris, 2014.




Hervé Le Corre, Après la guerre,
Payot et Rivages,
Paris, 2014.


Quand Hervé Le Corre se saisit d'un sujet ou d'une période historique pour ses thrillers ou romans policiers, c'est toujours avec force, justesse et certainement une belle préparation en amont leur écriture. On se souvient de L'homme aux lèvres de saphir, roman naturaliste à la Zola, qui nous plongeait dans les grèves du 19ème siècle et le monde des ouvriers de Paris. Cette fois, c'est dans le Bordeaux des années 50 que se déroule cette histoire, dans cette période très trouble de l'après Seconde Guerre mondiale.

Tout commence avec la visite dans un garage d'un mystérieux homme qui vient faire réparer sa vieille Norton. Étrangement, c'est avec bien peu de courtoisie et avec grande méfiance qu'il est accueilli par le gérant du garage, sous les yeux de son employé, Daniel, cet orphelin qu'on a découvert sur le toit d'une maison, une dizaine d'année auparavant. 

Cette visite coïncide avec le début d'une série de meurtres à Bordeaux qui s'apparentent tous à des règlements de compte, d'autant plus qu'ils visent dans la plupart des cas des hommes qui ont participé de près ou de loin à la collaboration dans les sombres années de l'occupation nazie. Le commissaire Darlac, lui-même impliqué dans ces histoires, n'est pas dupe, d'autant plus que sa propre fille est victime du tueur. Commence alors une véritable chasse à l'homme dans laquelle tous les moyens sont bons pour trouver celui qui sème la terreur dans les rues de Bordeaux et dans les esprits de ceux qui n'ont pas la conscience tranquille. Au sein même d'une police corrompue, c'est à savoir qui sera le premier à trouver l'assassin et quel ripou écrasera l'autre afin de se faire bien voir de ses supérieurs, ou d'effacer un passé un peu trop gênant...

Mais les années cinquante sont aussi celles des conflits nouveaux qui éclatent. Après la Guerre mondiale, ce sont les guerres d'indépendance des colonies qui font rage, dans un contexte de guerre froide. Daniel est de ce contingent d'appelés qui doit partir "mater" ce qu'on considère encore comme une rébellion de quelques terroristes en Algérie. Très vite il se rendra compte que c'est bien plus que cela, et prendra conscience que lui-même, comme tant d'autres jeunes hommes mal préparés, est capable du pire lorsqu'il à un fusil en main. Malheureusement ce sont les populations civiles, otages des violences du FLN et de l'armée française qui en feront les frais. Aurait-il dû déserter comme quelques-uns de ses amis proches du parti communiste? Doit-il enfreindre les ordres des gradés? Doit-il venger ces civils algériens injustement assassinés devant lui par ses "compagnons"?

Un roman dur, sombre, sans filtre, sur lequel planent les ombres des exactions en Algérie,  les fantômes de la Shoah, les restes des biens juifs spoliés pendant l'occupation, les actions et la trahison de l'ultra-collaboration et tout simplement les horreurs de ce que l'être humain est capable de faire. 

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