Philipp
Meyer, Le fils,
Albin
Michel,
Paris, 2014.
Traduit de
l'anglais par Sarah Gurcel.
C'est dans
les immensités du Texas, du moment de la conquête de ce territoire, à son
appropriation par les grandes familles du pétrole constituées aux Vingtième
siècle que nous transporte Philipp Meyer par cette magistrale saga familiale:
celle des McCullough. A travers les destinées de trois d'entre eux, c'est
l'histoire des luttes contre les tribus indiennes et plus généralement
l'histoire de cette état du sud qui est racontée en filigrane.
Le fondateur
de cette grande famille, c'est Eli. Son histoire commence dans la deuxième
moitié du 19ème siècle, quand jeune adolescent, seul avec sa mère, son frère et
sa sœur, ils subissent une attaque d'une violence inouïe de Comanches qui violent et massacrent tout le monde alors
que son père est parti en mission quelque part aux Etats-Unis. Lui et son frère
sont dans un premier temps tous les deux épargnés afin d'intégrer la tribu
comme bons à tout faire. Mais, suite à la mort du frère et grâce à son
caractère et ses capacités hors-normes, il est pleinement intégré à la tribu
pour en devenir, après une longue initiation, un membre à part entière.
Incroyablement bien racontée, son histoire est aussi le récit de la vie au sein
d'une tribu indienne, avec sa hiérarchie, ses coutumes, ses façons de vivre et
les incroyables relations tissées avec les conquérants américains. Par
différents concours de circonstance, celui qui était l'otage des Indiens
deviendra finalement le Colonel, sorte de patriarche souvent abjecte, parfois
protecteur et surtout fondateur de la terrible dynastie des McCullough,
famille enrichie d'abord par l'élevage et la propriété terrienne, puis par le pétrole, sans pitié avec ses
adversaires, en particulier si ceux-ci sont d'origine mexicaine.
La seconde
figure des McCullough, la dernière de cette grande famille, c'est Jeanny,
petite fille du Colonel, que l'on retrouve dès le début du roman mourante,
allongée sur le sol de la maison familiale. Sa lente agonie est l'occasion pour
elle, et pour nous, de voir défiler devant ses yeux les grandes étapes de sa
vie. Cette fille garçon-manqué, ce cowboy féminin a pris très jeune pour modèle
son grand-père. Totalement hermétique à toute forme d'éducation féminine telle
qu'on la proposait en ce temps à toute jeune fille de bonne famille, c'est plutôt
sur un cheval fou, ou avec un lasso entre les mains qu'elle s'épanouit. C'est
elle qui va moderniser le groupe pétrolier et l'ouvrir à l'étranger en
s'imposant face à la volonté des hommes qui l'entourent et qui constituent le
terrible monde des affaires en Amérique au Vingtième siècle. Face à tous ces
hommes, et parfois maris, qui ont essayé de la mettre sur la touche, elle devra
faire face à de nombreux aléas de la vie, jusqu'à ce que le passé de la famille
lui revienne brutalement dans la figure comme un boomerang, faisant d'elle une sorte de victime
expiatoire d'une terrible malédiction jetée sur la famille par tous les
descendants de ses trop nombreuses victimes.
Quant à
Peter, le fils du Colonel, lui, en est tout l'inverse. Utopiste rêveur,
profondément pacifiste et anti-violent, il contraste parfaitement avec ses
frères et fils partis combattre en Europe lors des guerres mondiales. Forcément
opposé à tous les actes perpétrés par le Colonel, et profondément choqué par le
sort réservé par celui-ci aux Garcia, cette famille de Mexicains voisines des
McCullough, dont se débarrasse sans pitié son père. Il ne cesse de consigner
dans ses carnets ses réflexions et états d'âme. Sa vie bascule le jour où Maria
Garcia, seule rescapée du massacre de sa
famille décimée par le Colonel, réapparaîtra. Son amour pour elle le mènera
jusque dans un Mexique en pleine révolution. Il aura certainement la fin la plus glorieuse des McCullough.
Au travers
de ces trois destins, c'est l'histoire de l'Amérique qui est contée. De cette
Amérique conquérante, qui ne laisse aucune place aux faibles et qui écrase ceux
qu'elle juge indésirables. C'est l'histoire de l'extinction des Indiens et de
la naissance du capitalisme, capable de pousser les gens au pire, jusqu'à
trahir au sein de sa propre famille. C'est l'histoire de la lutte contre
l'esclavagisme, celle de la guerre de sécession. Tout cela vu par les yeux de
ceux qui y participent, des plus proches témoins des événements.
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