Philippe Thirault et Jorge Miguel,
Shanghai Dream. L’intégrale,
Les Humanoïdes associés,
Paris, 2020.
C’est l’histoire d’un rêve, celui de Bernhard Hersch et de sa
femme Illo. L’un est metteur en scène, l’autre est scénariste. Tous deux sont
juifs. Le projet de ce couple est celui de produire un film dont ils sont
persuadés du succès. Ils vivent cependant dans le Berlin de la fin des années
1930. Les nazis ont pris le pouvoir, ils excluent les Juifs de toute forme de
culture. Goebbels tient les rênes du cinéma. Leni Riefenstahl y fait autorité. Alors
quand Bernhard propose à son ancien directeur de l’UFA le scénario de son
épouse, il se fait éconduire par son ancien ami, gêné d’avoir dans son bureau
un représentant de ceux que les nationaux-socialistes veulent éliminer.
Eclate alors le pogrom que l’on a fâcheusement baptisé « nuit de cristal ». Les synagogues brulent dans toute l’Allemagne, les magasins juifs sont vandalisés et pillés. Les biens juifs leurs sont arrachés de force. Le père d’Illo, chef d’une petite entreprise et vétéran de la Première Guerre mondiale est victime de cette flambée de violence, mais, fort de ses décorations militaires, il ne compte pas se laisser faire. Rien n’y fait.
Pour protéger la famille, il faut quitter cette Allemagne haineuse.
Mais les places sont chères et très limitées, d’autant plus que l’Angleterre et
les Etats-Unis ont fermé leurs portes à l’immigration. Il ne reste plus qu’une
seule destination possible : l’autre bout du monde, Shanghai, où une diaspora
juive est déjà allée se réfugier. La famille dégotte deux billets pour la
destination chinoise, mais ils sont trois. Le patriarche décide de sauver le
jeune couple. Mais c’est sans compter sur la fidélité d’Illo à son protecteur
de père. Elle s’échappe en secret du navire qui devait la sauver d’un tragique
destin.
Bernhardt se retrouve seul dans ce monde inconnu, mais il nourrit toujours l’espoir de revoir un jour sa belle et de tourner le film de leur rêve. Pétri de tristesse, mais avec l’énergie du désespoir qui le pousse à survivre dans des conditions plus que précaires et à résister à la violence des Japonais qui occupent le territoire, Bernhardt, aidé de Lin Lin, la fille de son logeur, va tout faire pour réaliser l’œuvre de leur vie en l’adaptant au contexte chinois et à la nouvelle culture dans laquelle il baigne.
C’est une sorte d’hymne à l’espoir et un hommage à l’histoire
bien peu connue des Juifs qui se sont installés en Asie pour échapper aux
persécutions et au massacre. Quelques mots de Philippe Boukara informent le
lecteur pour mieux comprendre le destin de ces survivants. Paru d’abord en
diptyque, les Humanos ont rassemblé les deux tomes dans ce volume.
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