Le Faux Soir,
Futuropolis, Paris, 2021.
Il y a des actes de Résistance qui, à postériori, paraissent
avoir été de vraies farces. D’ailleurs ceux qui ont commis celui-ci en ont ri à
leur époque, tant la manière dont ils se sont joués de l’occupant nazi avait
été un véritable pied de nez à l’encontre de l’envahisseur.
Comment faire pour marquer les esprits de façon forte et
durable et contester l’invasion et la terreur installée en Belgique ? C’est
la question que se sont posés des hommes et des femmes pour qui la situation devenait
insoutenable, d’autant plus que le quotidien national, Le Soir, était
passé entre les mains des nazis et de leurs collaborateurs.
Quelle bonne idée que celle de s’en prendre à ce journal, devenu un torchon de propagande qui diffusait de fausses informations, en éditant un numéro pastiche qui se moquerait de toutes celles et ceux qui adhéraient aux idées nazies, tout en se payant la tête du Führer.
Tout est alors mis en place pour réaliser ce rêve fou et le
diffuser dans tout le pays : rédaction des textes, prise de contacts avec
des imprimeurs, recherche de financement et distribution. Tout cela coordonné
avec une intervention aérienne alliée pour faire diversion et glisser dans les
kiosques les piles de journaux, au nez et à la barbe des canaux officiels des
distributeurs.
L’opération prend du temps, elle est risquée, d’autant plus que
les intermédiaires se multiplient au fur et à mesure des besoins logistiques de
la mystification. Mais elle réussit, et ça la plaisanterie fonctionne. Au petit
matin du 9 novembre 1943, des sourires se peignent sur les visages de tous ceux
qui lisent ce Faux Soir. Ils contrastent avec la morosité ambiante de l’occupation
bruxelloise.
Les auteurs se réjouissent, mais un micro-détail fait basculer cette joie temporaire dans le cauchemar de la répression nazie.
Cette bande dessinée est conçue comme le récit de l’enquête
historique menée pour reconstituer l’histoire du Faux Soir. Les planches
en couleur qui relatent les recherches actuelles des auteurs alternent avec les
flashbacks en noir et blanc des évènements de 1943. Daniel Couvreur,
journaliste, s’est associé avec Denis Lapière, scénariste, et Christian Durieux,
dessinateur, pour livrer ce reportage et cet hommage à ceux qui, pourtant, n’avaient
commis aucun crime, ni aucune violence. Un fac-similé du journal résistant est
ajouté à l’album.
On ne pourra que faire le rapprochement avec les massacres
de 2015…
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