mercredi 29 août 2018

Will Eisner, La valse des alliances, Delcourt, Paris, 2010.





Will Eisner, La valse des alliances,
Delcourt,
Paris, 2010.

Le père du roman graphique n'est pas connu pour faire des concessions, surtout lorsqu'il parle de la communauté juive exilée depuis la deuxième moitié du 19ème siècle aux Etats-unis et de ses mœurs et travers. Et s'il peut se le permettre, c'est parce que lui-même appartient aux descendants de ce groupe d'immigrés et qu'il connait parfaitement bien ses coutumes et façons de vivre. Ses nombreux ouvrages relatent avec un œil quasi naturaliste la vie au sein des quartiers juifs des grandes villes américaines. Dans le recueil ici présent, c'est au délicat sujet des alliances matrimoniales et financières que s'attaque Will Eisner.

C'est à travers l'histoire de deux familles, les Arnheim et les Ober, que l'ouvrage est organisé. Il semble d'ailleurs que le récit soit inspiré de faits réels, probablement vécus dans la famille de la femme de l'auteur, comme en témoignent les remerciements en fin du livre. Les Arnheim se sont enrichis en se lançant dans la confection de corsets, pièces de mode en vogue au début du 20ème siècle. Les Ober, eux, forment une famille plus campagnarde qui a réussi aussi dans le petit commerce. Pour pérenniser la fortune des deux familles, un mariage est arrangé entre le fils aîné et turbulent des Arnheim et la fragile petite des Ober.

Ce mariage forcé et totalement sans amour,provoque ce qui doit arriver dans ce genre de cas: le mari se moque éperdument de sa femme, la délaisse très vite pour des aventures d'un jour avec de nombreuses conquêtes, elles-mêmes avides de se faire une place dans la haute société juive de New York. La femme quant à elle sombre dans la dépression, et ce ne sont pas les naissances, elles aussi obligées, qui arrangent l'ambiance dans la famille. Violences conjugales, oppression, trahisons en tout genre, alcoolisme... tout mène au drame, point culminant du livre. 

Organisée en petits épisodes, cette chronique familiale est relatée de façon très crue.  Elle est si lointaine, mais finalement si contemporaine, quand on connait certaines histoires sordides qui peuvent se passer aujourd'hui près de chez nous.  La mise en page inimitable et inégalée de Will Eisner est d'une efficacité sans bornes. C'est une nouvelle fois du grand art.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire