dimanche 13 janvier 2019

Jon McGregor, Réservoir 13, Christian Bourgois éditeur, Paris, 2019.




Jon McGregor, Réservoir 13,
Christian Bourgois éditeur,
Paris, 2019.

Traduit de l'anglais par Christine Laferrière.

"A minuit, lors du changement d'année, il y a eu des feux d'artifice (…)", comme tous les ans dans ce petit village anglais, niché dans la campagne et protégé des inondations par la présence de treize réservoirs dont le niveau varie en fonction des saisons. Rien ne bouleverse la communauté qui vit ici, jusqu'au jour où Rebecca, ou Becky, ou Bex, selon les personnes qu'elle a côtoyées pendant ses vacances passées ici, disparait sans laisser aucune trace.

A ce stade pourrait commencer un thriller, ou au moins un roman policier, car le cadre est posé et les protagonistes bien campés en une variété d'individualités, toutes actrices de ce récit original. Et pourtant c'est un tout autre genre de livre qui débute: un roman très original, dans lequel l'auteur met en scène tout une série de petits riens qui font le grand tout des treize années de la vie de chacun des protagonistes du livre depuis la disparition de la jeune fille. Le groupe de jeunes qui a passé quelques temps avec elle se voit grandir, gagner en maturité, découvrir les plaisirs de la vie et du corps, se séparer pour fréquenter les universités avec plus ou moins de réussite. Le concierge de l'école, particulièrement attaché à la chaufferie de l'établissement scolaire, et désireux de rendre tous les services possible, est arrêté, puis relâché, mais niera toujours les faits qu'on lui reproche. Une jeune maman arrive ici, on ne sait d'abord pourquoi, mais on découvre petit à petit sa terrible vie de femme battue. Le vieux père de la famille d'éleveurs se voit cloué au lit après son attaque; ses fils, de robustes gaillards, prennent le relais dans l'exploitation familiale. Le potier-céramiste du coin n'apprécie pas l'ouverture dans le village d'un nouveau magasin de souvenirs…

Tous continuent de vivre au rythme des saisons et de la nature: les oiseaux confectionnent leur nid, les blaireaux voient leur petits s'émanciper, les renards s'accouplent, les collemboles pondent des milliers d'œufs dans la terre, immuablement... Rien ne semble perturber cette microsociété, un peu autarcique, presque conservatrice, qui ne voit d'un bon œil ni les changements et les progrès du monde moderne, ni le père de la disparue qui parcourt, les années durant, les collines et forêts alentours. On n'aime encore moins les rumeurs qui affirment que la jeune fille a été vue ici tout près, on sur une aire d'autoroute à des centaines de kilomètres de là. On n'arrive cependant pas à se résigner et on espère toujours la retrouver vivante; on conjoncture sur les raisons de sa disparition. Quelque chose plane ici depuis la disparition de Rebecca; quelque chose de pesant presque malsain, et de difficilement nommable, car cette ambiance se vit plus qu'elle ne se raconte. 

C'est pourtant avec brio et un style tout particulier que Jon McGregor réussit à nous embarquer dans cette étrange aventure. Peut-être est-ce par le rythme de son écriture dans lequel les phrases s'enchainent à une vitesse folle ou par l'étrange neutralité dont il fait preuve, telle celle d'un observateur presque naïf des évènements. Un très bon livre qui surprendra mais qui a coup sûr ne laissera pas indifférent.

Merci aux éditions Christian Bourgois.

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