dimanche 1 octobre 2017

Riad Sattouf, L'Arabe du futur 2. Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985), Allary Editions, Paris, 2015.




Riad Sattouf, L'Arabe du futur 2. Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985),
Allary Editions,
Paris, 2015.

"Tu seras l'Arabe du futur ou tu ne seras pas", c'est un peu par cette phrase que l'on peut résumer le projet qu'à le père de Riad pour son fils qu'il destine à un grand avenir: être celui qui éduquera le peuple arabe pour le faire sortir de son ignorance et de sa soumission.

Mais ce projet annoncé déjà dans le premier tome de la série est lancé sans tenir compte du système scolaire syrien dans lequel est plongé le petit Riad dès les premières pages du second volume. Car en effet, c'est d'abord de son expérience scolaire dont il est question. La première étape de son intégration à l'école vise à acheter à un marchand presque ambulant le matériel nécessaire et l'indispensable uniforme réglementaire qui doit faire de Riad un élève comme les autres. La seconde: essayer de se fondre dans la masse des autres élèves à qui l'on apprend l'amour du pays et du vénéré dirigeant Hafez-El-Assad en chantant à tue-tête l'hymne national et en adhérant sans discussion à la propagande de la terrible maîtresse au coup de bâton facile visant à le faire réélire avec 99% des voix. Dans un troisième temps, Riad devra jouer l'antisémite anti-israélien pour ne plus être confondu avec l'image du juif de lui collent certains autres garçons de sa classe. Mais au grand dam de sa mère, aucun apprentissage de la lecture n'est réellement effectué, sauf quand il s'agit de déchiffrer tant bien que mal les lignes d'un Coran en langue arabe que finalement personne ne comprend vraiment, mais dont tout le monde connait les interdits...

La seconde partie du livre est beaucoup plus sombre encore. A travers la rencontre avec quelques grandes figures familiales, ce sont les us et coutumes et le poids des traditions syriennes qui sont dépeintes, parfois de façon cruelle par l'auteur. Le culte masculin de la force et de la violence est montré à travers une partie de chasse à l'arme lourde sur de minuscules moineaux, ou par quelques scènes de bagarres entre jeunes enfants; l'attrait pour le luxe et les fantasmes qu'on se fait au sujet de l'Occident sont traduits en la figure du cousin général, un homme étrange, au sourire constant, qui s'affranchit des interdits islamiques en fumant, buvant de l'alcool et couvrant sa femme de bijoux. Enfin le poids de l'honneur ou plutôt du déshonneur familial est affreusement exposé à travers le destin tragique de cette jeune cousine que Riad admirait pourtant parce qu'elle lui avait donné son premier cours de dessin en lui apprenant la perspective.

Dans tout cela le père oscille entre incompréhension feinte, mimétisme forcé, gêne permanente, ou prises de position pas toujours franches, rendant le personnage à la fois horripilant, pitoyable, pathétique, grotesque, mais aussi presque attachant tant on a envie de lui ouvrir les yeux et lui donner un coup de main (ou de pieds au derrière...). Quant à la mère, elle semble faire ce qu'elle peut pour améliorer un quotidien difficile dans un pays où l'électricité est régulièrement coupée et où l'on continue de manquer de tout. Soucieuse d'éduquer convenablement son fils, elle met régulièrement la pression au père pour équiper le logement, et lui donne les cours de français dont il aura besoin dans l'immédiat pour porter un nouveau regard sur les albums de Tintin dont il dispose et pour réussir plus tard sa vie.

On sort de ce second volume mal à l'aise. Que réellement penser de ce père? De ce pays? De ses habitants? On aimerait se contenter des épisodes drôles et d'une sorte de troisième degré permanent qui nous pousse à rire même quand le pire est raconté, mais il est impossible de mettre le tragique de chaque situation de coté... Les prochains tomes devraient à coup sûr nous éclairer un peu plus...

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